Créateur de bijoux puis maître de l'art verrier, chantre de l'Art nouveau passé avec un égal talent à l'Art déco, René Lalique, magicien du verre, a accompli une carrière exceptionnelle, guidée par "la recherche du beau plutôt que l'affichage du luxe".
« Tu veux faire des dessins de bijoux, mais cela ne mène à rien ! Tu verras que dans deux ou trois mois, tu ne sauras plus qu’inventer et, arrivé au bout de ton rouleau, tu seras bien obligé de t’arrêter ! »
Le bijoutier Vuilleret ne se doutait pas que le jeune René Lalique à qui il s’adressait ainsi dans les années 1880 non seulement ne cesserait jamais de dessiner mais passerait à la postérité comme étant, selon Émile Gallé lui-même, « l’inventeur du bijou moderne ».
Il ignorait aussi qu’après les bijoux et l’Art nouveau, le jeune homme deviendrait un grand maître verrier et laisserait son empreinte sur l’Art déco. Il n’imaginait pas en somme que ce jeune parent aux origines modestes serait à la fois un créateur brillant et un entrepreneur inspiré.
Projet René Lalique quatre libellules :
René Lalique naît le 6 avril 1860 à Aÿ en Champagne. Enfant, il passe ses vacances dans la campagne champenoise où il découvre et apprend à aimer la nature.
À l’attrait pour les plantes, les fleurs et les insectes, qui ne cesseront de l’inspirer, s’ajoutent très vite une passion pour le dessin qui ne le quittera jamais non plus, comme le montrent les quelques milliers de tracés, dessins préparatoires au crayon ou à l’encre, esquisses aquarelles et gouachées parvenus jusqu’à nous.
Lorsqu’à 16 ans, après le décès de son père, il devient apprenti chez le bijoutier Louis Aucoc, il suit aussi des cours du soir à l’école des Arts décoratifs de Paris.
Puis, en 1878, il prend la direction de l’Angleterre et de la Crystal Palace Art School de Sydenham où il étudie le dessin toujours, durant deux ans.
De retour en France, après s’être initié à la sculpture et la gravure, il s’installe à son compte et, à partir de 1882, fournit des dessins de grandes maisons de joaillerie parisiennes.
Il a à peine 25 ans lorsqu’il reprend l’atelier du joaillier Jules Destapes, place Gaillon à Paris. Sa carrière est lancée, de la joaillerie traditionnelle il passe progressivement à une conception nouvelle du bijou qui lui vaudra la consécration à la fin du XIXe siècle.
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x1.5xcm
Ses goûts et son originalité se révèlent. Il emploie la corne, l’ivoire, des pierres semi-précieuses comme l’agate, le jaspe, la cornaline, l’émail bien sûr et bientôt le verre, autant de matériaux dits « pauvres », alors que l’heure est aux diamants et pierres précieuses.
Des matériaux peu utilisés, des motifs inspirés par la nature et les femmes et déclinés dans un foisonnement de formes et de couleurs : la magie commence à opérer.
Ses créations avant-gardistes produisent leur effet parmi une certaine élite intellectuelle, artistique et mondaine. René Lalique dessine des parures de scène pour Sarah Bernhardt et se lie avec le collectionneur Calouste Gulbenkian qui lui commande cent cinquante bijoux et objets d’art entre 1895 et 1905.
En 1900, l’Exposition universelle de Paris, où triomphe l’Art nouveau, marque aussi son succès personnel.
On se presse pour admirer ses bijoux, pendentifs, broches et peignes présentés derrière une élégante vitrine aux femmes ailées fantastiques, statues de bronze reflétant son goût pour l’ornement.
Lors du passage au XXe siècle, sa vie personnelle aussi connaît des bouleversements. En 1886, Lalique a épousé Marie-Louise Lambert, dont il a eu une fille. Mais ce séducteur, travaillera aux côtés de son père qu’elle influencera sans doute par son goût pour l’Art déco. Quant à Marc (1900-1977), il reprendra la Verrerie d’Alsace après la Seconde Guerre mondiale.
René Lalique surtout poisons grenouilles :
LE VERRE, MATIÈRE MERVEILLEUSE
Si l’année 1900 marque l’apothéose de sa carrière de bijoutier, René Lalique est parallèlement déjà en train de s’engager dans une nouvelle voie artistique.
Dès 1890, dans son atelier du 20 rue Thérèse, quartier du Palais-Royal à Paris, il a commencé à intégrer à ses bijoux du verre pressé. En 1891, il a déposé un brevet pour un émail en haut relief, assez proche de la pâte de verre.
Outre cet attrait pour cette matière « merveilleuse » mais aussi « solide et complaisante », le fait que son art soit désormais reconnu et … Copié pousse ce travailleur infatigable et curieux à explorer d’autres horizons.
Sa rencontre avec le parfumeur François Coty en 1907, pour qui il va créer des flacons de parfum, est décisive.
En 1909, il loue la verrerie de Combs-la-Ville, en région parisienne, qu’il achète quatre ans plus tard. C’est l’époque de la transition avec une première exposition uniquement dédiée au verre en 1912 et l’année suivante, la dernière présentation de bijoux.
Le temps lui semble venu de se tourner définitivement vers un matériau dont il expérimente tous les effets, transparence, opacité, reflets, opalescence.
Service Nippon tableware René Lalique :
LA NATURE ET LE DESSIN
Combs-la-Ville ne suffit plus. René Lalique se rend en Lorraine et en Alsace à la recherche d’un lieu mieux approprié à la production d’objets en série.
Il le trouve à Wingen-sur-Moder où la Verrerie d’Alsace débute en 1921 d’abord tournée vers la verrerie de table.
À plus de 60 ans, « sans cesser d’être un artiste, René Lalique est devenu un industriel », écrira le critique d’art Gabriel Mourey.
Aujourd’hui, l’usine de Wingen-sur-Moder est toujours en activité.
Vous pouvez séjourner dans un hôtel Lalique et suivre des visites guidées de la manufacture et du musée Lalique. Un dîner inoubliable à la Villa René Lalique, restaurant doublement étoilé au Michelin et dirigé par Jean-Georges Klein, mettra la dernière touche à cette expérience unique.
Pour celui-ci, les objets d’art comme les services de table, appareils d’éclairage, ensembles mobiliers ou décoratifs sortis de ses ateliers conservent l’empreinte de la même volonté créatrice, des mêmes dons d’ingéniosité, de raffinement, d’élégance, de fantaisie qui constituent sa personnalité, qui sont les traits dominants de son talent.
Coupe Calypso René Lalique :
En 1925, se tient à Paris l’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes.
Lalique est présent à ce grand rendez-vous comme il l’a été lors de la célébration de l’Art nouveau en 1900.
Son style a évolué, ses motifs sont plus épurés mais ses sources d’inspiration restent les mêmes : la nature, les femmes. Son éclectisme n’a plus de bornes. Il décore des paquebots (l’Île-de-France en 1927, le Normandie en 1935 …), mais aussi un train (le Cote-d’Azur-Pullmann Express, en 1929), travaille sur des œuvres d’art sacrées comme les vitraux de l’église Saint-Nicaise à Reims.
À l’étranger, il signe les portes d’entrée de la résidence du prince Asaka Yasuhiko à Tokyo (actuel palais Teien).
René Lalique s’éteint le 1er mai 1945 à l’âge de 85 ans sans avoir vu redémarrer son usine de Wingen-sur-Moder. Mise sous séquestre en 1940 par l’armée allemande, l’entreprise reprend son activité après-guerre, sous la direction de son fils Marc qui la modernise et permet, dans les années 1950, le passage du verre au cristal.
(Source : Le monde aquatique de Lalique, connaissances des Arts)