Jacques Grüber est un maître verrier incontesté, mais également peintre et ébéniste. Un artisan d’un talent exceptionnel qui a laissé des vitraux du style Art Nouveau, d’une beauté rare à Nancy. Partons à la (re)découverte du maître le plus prolifique du vitrail Art nouveau…
Avant d’approfondir le sujet sur Jacques Grüber, quelques mots afin de nous présenter.
Spécialistes du cristal depuis 1882, nous vous proposons à la vente les plus illustres manufactures françaises, Baccarat, Daum, Lalique ou encore Saint-Louis.
Nous perpétuons la tradition de nos ancêtres, les frères Vessière à Nancy, de talentueux artisans verriers du XIX et XXe siècle.
Qui est Jacques Grüber ?
Né le 25 février 1870 (-1936) à Sundhouse (Bas-Rhin), Jacques Grüber est un maître verrier, décorateur, peintre et ébéniste français.
Fils d’Emile Grüber, aubergiste, et de Madeleine Mathis, il suit sa famille en 1877 à Nancy, lorsque celle-ci quitte l’Alsace après l’annexion d'une partie de l'Alsace-Moselle.
Les Grüber ne retrouveront leur nationalité française qu’en 1886, par voie de décret. Le couple mettra au monde deux fils, un futur maître verrier, Jean-Jacques Grüber, et un futur peintre, Francis Grüber.
À partir de 1889, Jacques Grüber intègre l’école municipale de dessin de Nancy, où il est élève du peintre Théodore Devilly.
Il complète sa formation artistique à l’Ecole des Beaux-Arts de Nancy et de Paris, ainsi qu’à l’Ecole des Arts Décoratifs de Paris.
Il côtoie l’atelier du peintre Gustave Moreau, et sera dirigé par Jules Larcher, alors directeur du musée des Beaux-Arts de Nancy.
À l’époque, il habitait avec ses parents au 7 bis, rue Laromiguière, et sera dispensé du service militaire, étant étudiant.
Il effectuera son service militaire entre 1892 et 1893 au 69e régiment d’infanterie, et exposera un panneau décoratif en bois brûlé au Salon de Nancy.
Par la suite, il sera récompensé de la première médaille dans le cadre du concours de composition décorative des Beaux-Arts.
Jacques Grüber épouse Suzanne Jagielski en 1902, et élit domicile à Nancy, au 5, rue des Jardiniers. Celle-ci est une brillante élève sortant de l’Ecole des Beaux-Arts de Nancy, et collabore étroitement avec son mari.
Artiste décorateur au service des frères Daum et de Louis Majorelle
De retour à Nancy en 1893, Jacques Grüber intègre la manufacture des frères Daum en tant qu’artiste-décorateur.
Jusqu’en 1897 il fera preuve de talent et de technicité, créant une parfaite harmonie entre la composition décorative et les techniques à travers de nombreux modèles de vases.
L’artiste fut chargé de créer des pièces hors-série, destinées à témoigner de l’art et du savoir-faire des frères Daum lors de diverses expositions.
Aidé par René Wiener, relieur d’art lorrain, Grüber s’intéresse également à la pyrogravure sur bois et sur cuir. Par la suite, il conçoit de nombreux décors de meuble à Louis Majorelle, qui seront présentés lors de l’exposition d’art décoratif de Nancy en 1894.
Jacques Grüber prendra également en charge la création des vitraux de la Villa Louis Majorelle, construite par l’architecte Henri Sauvage pour Louis Majorelle.
Cette villa témoigne de la collaboration entre les artistes et artisans de Paris et de Nancy, notamment Henri Sauvage, Alexandre Bigot, Henri Royer, Francis Jourdain, Lucien Weissenburger, ainsi que Louis Majorelle pour les ferronneries.
La Villa Majorelle est ouverte au public depuis 1997, et marque l’héritage technique et artistique des artistes membres de l’Ecole de Nancy en matière d’architecture extérieure et de décoration intérieure.
Cet emblème de l’architecture Art nouveau est actuellement ouvert au public, même si d’autres travaux de rénovation sont programmés.
Membre fondateur de l'École de Nancy, Alliance provinciale des industries d’art
À la suite de la guerre de 1870 opposant la France au royaume Prusse et les Allemands du Sud, l’Alsace-Moselle est annexée.
En 1871, de nombreux artistes, investisseurs, industriels et mécènes déménagent à Nancy, apportant leurs talents, capitaux, savoir-faire…
Avec les artistes nancéiens, ces « optants » ont apporté une véritable révolution à l’art et à l’artisanat. Les frères Daum, Prouvé, Gallé, Majorelle… mais aussi Jacques Grüber s’inspirent de la flore locale pour leurs créations.
En 1901, Emile Gallé et quelques-uns de ses amis artistes, dont Jacques Grüber, fondent « l’Alliance provinciale des industries d’art », que l’on connaîtra plus tard sous le nom de l’Ecole de Nancy.
Jacques Grüber sera membre du Comité directeur de l’Ecole de Nancy dès 1901, et participera aux différentes manifestations de cette Alliance.
Les membres de l’Ecole de Nancy souhaitent « l’art dans tout, l’art pour tous », et proposent ainsi des créations d’exception en très faibles quantités, avec des techniques simplifiées et les matériaux les plus simples.
Ceci afin de permettre l’accès à l’art par le plus grand nombre.
En charge des décors des vases en pâte de verre de la manufacture Daum
Récompensés d’un grand prix à l’issue de l’Exposition universelle de 1900, les frères Daum s’associent avec de nombreux artistes de talent pour maintenir sa notoriété, devenue alors internationale.
L’enseigne bénéficie ainsi du savoir-faire d’un certain Louis Majorelle, Almaric Walter, Henri Bergé, les frères Schneider ou encore Jacques Grüber.
Dès 1893, Jacques Grüber est engagé par les frères Daum pour la création de pièces qui vont être exposées lors de l’Exposition universelle de Chicago de la même année. Premier artiste verrier, Jacques Grüber acquiert alors sa notoriété dans les industries d’art.
À la suite de la réussite des œuvres de Jacques Grüber, les frères Daum ont été invités à exposer leur production dans des nombreuses expositions comme celle de Nancy en 1894, Lyon en 1894, Bordeaux en 1895 et l’exposition de Bruxelles en 1895 et 1897.
Les frères Daum confient à Jacques Grüber la réalisation des décors pour les vases en pâte de verre, dont le plus connu est le vase « Tristan et Yseult » réalisé en 1897 par Jacques Grüber pour la manufacture Daum.
En plus des décorations de vases, Jacques Grüber réalise également des couvertures de livres pour René Wiener, de la verrerie à décor de pommes de pin.
1900, Jacques Grüber et ses œuvres : les vitraux
Dès 1896, Jacques Grüber expose ses premiers vitraux Art nouveau, s’intéressant à toutes les techniques de l’art décoratif. Avec Laurent-Charles Maréchal de Metz, il va apporter un véritable renouveau de l'art du vitrail en Lorraine.
S’il a fait la renommée des frères Daum dans la décoration d’objets d’art, Jacques Grüber décide de se consacrer entièrement aux vitraux dès 1900. Il recevra de nombreuses critiques positives, mais sera obligé d’emménager à Paris à cause de la Première Guerre mondiale.
Il va alors ouvrir son atelier en 1914, et réalise de nombreux modèles de vitrail d’une qualité rare.
Son fils Jean-Jacques Grüber deviendra également verrier, et sera connu notamment pour les vitraux de la cathédrale Notre-Dame de Verdun (1930), ou encore les vitraux de l'escalier d'honneur dans le siège des fonderies de Pont-à-Mousson SA, à Nancy.
Il assure la réalisation des vitraux de l'Eglise Saint-Barthélemy de Mont Saint-Martin.
L’histoire se souviendra de Jacques Grüber comme un artiste expert dans l’art décoratif du vitrail.
Les vitraux signés Jacques Grüber des Galeries Lafayette
La renommée de Jacques Grüber en tant qu’artiste plastique et spécialiste des vitraux ne s’est pas faite en peu de temps. Il va réaliser des œuvres d’exception comme les vitraux de la chambre de commerce et d’industrie de Meurthe-et-Moselle, à Nancy.
Parmi ses nombreuses productions, l’on peut citer les vitraux de la villa Majorelle, et ceux de la villa Bergeret et de l’Abbaye de Montbenoît, mais aussi la grande verrière des Galeries Lafayette de Paris.
Il réalisera également des vitraux pour l’Hôtel des Postes de Bar-le-Duc en 1925.
Après la guerre, Jacques Grüber participe également à la décoration et l’éclairage du paquebot transatlantique Île-de-France, et à la création des vitraux de nombreuses églises détruites par la guerre.
En 1936, Jacques Grüber meurt dans sa villa d’Alésia. Son vitrail nommé « Saint Laurent et les déshérités » sera présenté à titre posthume lors de l’Exposition universelle de Paris en 1937.
Aujourd’hui, de nombreux vitraux de Jacques Grüber sont exposés dans le musée de l’Ecole de Nancy.