Génie des arts décoratifs, fondateur de l'école de Nancy, Émile Gallé a grandement participé à l'avènement de l'Art Nouveau. À la fois artiste et industriel, Émile Gallé vit pour la création et le développement de son œuvre. Aujourd'hui, le nom Gallé est indissociable de l'école de Nancy, qu'il créa en 1901.
Petit récapitulatif en vidéo :
FAMILLE D'ÉMILE GALLÉ
Le 17 juillet 1845, Charles Gallé épousa Fanny Reinemer, fille aînée de Martin Reinemer et de Marguerite Oster, alors commerçants et marchands de cristaux et porcelaines. La famille vivait dans une confortable maison située à l’angle des rues Saint-Dizier et de la Faïencerie.
Charles Gallé, né en 1818, était peintre sur porcelaine de formation. Par la suite, Charles fut commercial et voyageait pour le compte d’une manufacture de porcelaine de Chantilly, la maison Bougon et Chalot.
Des compétences très appréciées de sa belle-mère, en qui elle trouve un soutien lors de la mort de son mari en 1844. Ainsi, Marguerite Oster-Reinemer se retire des affaires, laissant la responsabilité à son gendre et sa fille. Par la suite, l’enseigne évolue pour intégrer le nom Gallé, et devient « Veuve Reinemer et Gallé », puis « Gallé-Reinemer ».
Charles Martin Émile Gallé, lorrain et protestant
Émile Gallé, maître verrier (Nancy – France) est né le 8 mai 1846 à Nancy.
Petite anecdote, on l’a appelé Émile car à l’époque on se référait à Jean Jacques Rousseau qui avait écrit un livre sous le nom d’Émile où il donnait toutes les instructions d’une éducation libre, selon les lois naturelles, une éducation sans artifice élaborée dans la confiance et le dialogue. Rousseau préconisait également les sciences naturelles, un programme qui marquera toute la jeunesse de Gallé.
Sa première éducation lui est donnée par Virginie Mauvais, qui lui apprend à lire dans un livre qui s’appelle les fleurs animées. Cela aura un fort impact sur son futur.
Véritable intellectuel, Émile Gallé brille à l’école, grâce notamment à une éducation et formation intellectuelle particulièrement soignées.
Placé en pension dès son jeune âge, le jeune homme sera aux côtés d’un instituteur nommé Victor Jacquot.
Émile recevra alors de brillants enseignements de la part du proviseur Davau « L’enfant a une belle imagination et une facilité incroyable à tout rendre avec un rare bonheur d’expression, il a un jugement sûr et beaucoup de sagacité ».
À 9 ans, son père l’emmène à la première Exposition universelle de 1855. Charles lui forme le goût, c’est l’éveil à la botanique avec de grandes promenades.
Bien préparé à affronter les hautes exigences de l’enseignement secondaire de l’époque, Émile Gallé quitte en 1865 le lycée impérial de Nancy, où il obtient le baccalauréat brillamment.
Émile Gallé, artiste littéraire attiré par la botanique
Intellectuel, Émile Gallé est avant tout littéraire avant d’être un génie créatif. Préparant le concours d’entrée de l’École normale supérieur, le domaine artistique n’était pas en reste.
Au côté de Joseph Casse, professeur de dessin, Émile Gallé s’exprime et développe de nouveau goût, comme pour les sciences naturelles.
En effet, La botanique devient alors un domaine d’expression privilégié. En conséquence, il affirme lors de l’Exposition Universelle de Paris en 1889 qu’avec plus de facilité en mathématiques, il serait sûrement devenu professeur de botanique.
La production de Charles Gallé, service de verre et porcelaine
Pendant ce temps, Charles Gallé fait prospérer de manière spectaculaire le commerce de sa belle-mère.
Un texte de 1862 affirme que les services de verres et de porcelaines de Charles Gallé se trouvaient aussi bien sur les tables des particuliers que sur les tables royales. En 1866, il reçoit le prestigieux titre de « fournisseur de la Maison de l’Empereur ».
Produisant des services de verres de très hautes qualités, Charles Gallé a très vite conquis le marché royal. En outre, Charles Gallé était fournisseur de Napoléon III depuis 1855.
Les Tuileries, Compiègne, Saint-Cloud, Fontainebleau et Biarritz, Charles livrait les différentes résidences.
Pour sa première commande de 2000 francs-or, Napoléon commanda trente-six carafes (eau, vin, liqueur) et cent cinquante verres.
Par la suite, le volume augmente. Ainsi, en 1861, c’est cent trente carafes à eau et à vin, trente carafons à liqueur cent dix coupes à champagne, cent dix verres à bordeaux, cent cinquante à madère et quatre-vingt à liqueur.
Gallé, c’est aussi des créations en verre et céramique.
Lorsqu’en 1866 Charles Gallé reçoit son brevet de fournisseur de Sa Majesté, Émile est sur le point d’achever son séjour d’études qu’il effectuait à Weimar. Il est accueilli comme hôte payant chez le docteur Troebst. Il suit ainsi des cours de danse et de piano. Mais également une initiation à ma minéralogie et à la chimie, une riche découverte pour Gallé.
Émile réalise plusieurs voyages utiles, et visite plusieurs verreries sous les conseils de son père. Fin 1866, vient le temps de rentrer.
Émile reçoit une longue lettre de son père. Cette lettre est étonnante, Charles dit à son fils qu’il est arrivé au bout du chemin, et qu’Émile doit poursuivre son œuvre.
C’est à cette même époque que Charles Gallé devient le fournisseur attitré de tout ce qui est verrerie pour la majesté Impériale.
Émile met également son séjour à profit pour conforter les affaires familiales. En vue de la préparation de l’Exposition Universelle de 1867, il se rend à la célèbre verrerie d’Ulrichsthal, en Bohême.
1867 est une date clé dans l’histoire de d’Émile Gallé, maître verrier (Nancy – France). Son retour à Nancy scelle son association à l’entreprise de négoce et de décoration de faïence et de verrerie de son père. Émile Gallé sera ainsi à la tête de la création artistique. L’Exposition Universelle de cette même année se déroule à Paris. Premier grand test pour Émile, qui obtient une mention honorable pour la verrerie.
La guerre de 1870 a marqué une rupture, la défaite, l’obligation pour les Lorrains de choisir la nationalité Allemande, ou bien la nationalité française, qui impliquait de quitter son territoire d’origine, l’Alsace. Beaucoup de personnes viennent alors s’installer à Nancy, qui voit sa population doubler. Ainsi, 50% des industries et 35% des commerces étaient aux mains d’Alsacien lorrain, un apport économique important pour Nancy. L’industrie est alors en pleine expansion, un terrain favorable pour l’entreprise Gallé.
Les années 1870-1914 ont été des années d’intense renouvellement pour la ville de Nancy. La petite capitale provinciale endormie du début du XIX siècle s’est métamorphosée, en une trentaine d’années, en une métropole hardie de toute la France de l’Est.
En 1871, le petit Victor Prouvé est remarqué par Émile Gallé qui lui demande de dessiner un décor pour des assiettes. Il n’a alors que 13 ans. C’est le début d’une étroite collaboration doublé d’une urgence commune, celle de l’art pour tous.
Le mouvement École de Nancy peut vraiment naître. C’est à ce moment que les gens vont se libérer.
Les artistes, comme Victor Prouvé, vont ainsi pouvoir s’exprimer et s’épanouir pleinement.
Ami intime de Gallé, les deux artistes avaient l’habitude de se retrouver dans un café, rue des Dominicains. C’est l’époque d’une philosophie très progressiste, avec le progrès par les sciences. La science, un moteur pour la vie. L’arrivée du train va ainsi faciliter les échanges entre Nancy et Paris. La rapidité de l’information était très importante à cette époque. L’École de Nancy est née de cet esprit d’ouverture et de curiosité.
En 1872, Gallé obtient une médaille d’or dans la classe 33 (porcelaine et cristaux) à l’Exposition universelle et internationale de Lyon. 3 années plus tard, Émile Gallé demande la main d’Henriette Grimm (1848-1914), fille d’un pasteur de Bischwiller (Alsace), avec laquelle il aura quatre filles.
Enfin, au début de l’année 1877, Charles Gallé abandonne à son fils les rênes du gouvernement. Son père gardera cependant la main sur les finances, afin de soulager son fils, se concentrant uniquement sur la création.
ÉMILE GALLÉ, ENTREPRENEUR MANUFACTURIER
En 1877, Charles et Émile Gallé officialisent le changement de direction. C’est en effet au cours de la décennie 1867-1877 que la production portant la signature Gallé connaît un spectaculaire développement.
Au début de l’entreprise Gallé, le père Charles exploitait les filières nées de son activité de voyageur de commerce. Concernant le verre, Charles Gallé s’adressait aux fabriques de la région parisienne.
Ainsi, direction Choisy-le-Roi, Saint-Denis et Pantin. Mais également les célèbres cristalleries de l’Est de la France. Il effectuait de fréquents séjours à la cristallerie de Saint-Louis et Baccarat.
Nouant de forte relation au fil du temps, Baccarat l’autorisa à employer l’un de ses graveurs les plus habiles. Jean-Baptiste Simon, célèbre graveur renommé pour sa réalisation des Vases Simon de 1967, travailla avec Charles Gallé pour l’exécution du décor animalier de verres à liqueur qui furent remarqués à l’Exposition de Metz en 1861.
Le passage de l'artisanat à l'industrie
La construction de la première usine Gallé est lancée en 1884. Elle sera effective un an après. L’usine est importante, comprenant des ateliers, un tiers pour la céramique, et deux tiers pour le meuble.
Véritable chef d’entreprise, Gallé souhaita diversifier sa production afin de toucher un plus large éventail de clients. Il voyait dans le recours à la machine la possibilité de produire à moindre coût des objets destinés à une plus large clientèle.
« Dans cette voie, sans doute ardue, ne trouverait-on pas, pour le mobilier lui aussi, la solution d’une question qui a toujours préoccupé les jurés internationaux : allier le beau, ou simplement le bon goût, à un marché relatif, mettant à la portée des moyennes bourses des objets intéressants qui portent les marques de l’art, le sentiment d’artisans amoureux de leur métier ? » Émile Gallé
Ainsi, les chefs-d’œuvre, pièces uniques ou de petite série, cohabitent avec les pièces de grande série dont la large diffusion a contribué à la reconnaissance internationale du foyer lorrain d’art décoratif et industriel.
Dans la tradition de la céramique lorraine
Du temps de Charles Gallé, la production céramique dépendait d’une manufacture qui avait connu ses heures de gloire sous la direction de l’architecte Richard Mique, premier architecte de Louis XVI : Saint-Clément.
Fondée en 1757 par Jacques Chambrette, déjà propriétaire de la faïencerie de Lunéville, elle était située à une trentaine de kilomètres de Nancy et se trouvait, dans une situation économique difficile.
Charles et Émile Gallé menèrent ainsi d’autres collaborations épisodiques. En Juillet 1880, un contrat est passé avec la faïencerie de Choisy-le-Roi.
Ci-dessous, le peintre sur faïence de louis Hestaux. Il représente un décorateur de l’atelier créé par Gallé en 1885 à Nancy, en vue de la préparation de l’Exposition de 1889.
La célèbre verrerie Émile Gallé à Nancy
En 1893, nouvel achat de douze hectares destiné à assurer l’indépendance de la production verrière. En effet, si Meisenthal offre un personnel de tout premier ordre, la verrerie n’en est pas moins située à une centaine de kilomètres de Nancy et se trouve depuis 1871 en territoire allemand.
Ainsi, le 29 mai 1894, soit 10 ans après la création de l’usine, est célébrée la mise à feu d’un nouveau four sous le parrainage d’Henriette Gallé.
La nouvelle halle était pourvue d’un four à quatre pots et de dix places de verriers. De nouveaux recrutements s’opèrent. En 1895 est embauché Julien Roiseux, certainement le meilleur des douze souffleurs en activité à la cristallerie.
Les créations des vases Gallé deviennent très prisées !
L’apport des Alsaciens-Lorrains et celui de l’armée expliquent en partie, avec l’exode rural, l’essor démographique de Nancy, passée de 53000 habitants en 1872 à près de 120000 en 1911.
Tous ces nouveaux habitants ont contribué à faire de la ville un grand marché de consommation, propice au développement sur place de grandes entreprises industrielles et commerciales, mais également de l’Art Nouveau.
Ce mouvement qu’il est parfois difficile de décrire tant ses résultats sont diverses et variés, peut cependant se résumer a trois notions communes : l’identité nationale, le rapport à l’industrie, la volonté de modernité.
Les Alsaciens-Lorrains ont joué un rôle capital dans l’industrialisation de Nancy. Ils y ont apporté leurs capitaux, leur esprit d’entreprise, leur savoir-faire et jusqu’à leur main-d’œuvre.
Un homme dévoué à son entreprise
Dorénavant, Gallé est en mesure de contrôler à tout instant le rythme et la qualité de la production de ses œuvres.
C’est à lui seul désormais, en fabricant indépendant, qu’il revient de trouver les solutions qui assureront l’amortissement des mises de fonds, de supporter tous les frais de fabrication.
En 1900, l’entreprise Gallé s’élève à deux cents personnes.
En dépit d’une vigilance constante, bien des déboires se produiront, le plus contrariant à la suite de l’embauche des frères Muller.
En 1894, Henri Muller est recruté comme commis d’atelier et trois de ses frères sont affectés à l’atelier de décoration à froid. C’est à cette même date qu’Émile Gallé fait construire une halle verrière au sein de son usine d’art afin de faire exécuter ses pièces en verre à Nancy. Auparavant, celles-ci étaient réalisées à la verrerie de Meisenthal, située depuis 1870 en Moselle annexée.
En 1897, la fratrie entière quitte Nancy pour aller travailler à la verrerie de Croismare. Henri Muller emportera avec lui les secrets de fabrication de Gallé.
Le lieu privilégié de diffusion de la marque est paris. Durant vingt-cinq ans Charles Gallé disposa d’un agent à Paris, qui s’occupait exclusivement de ses affaires. Un dépôt est installé 34 rue des Petites-Écuries puis transféré au 12 rue Richer.
Gallé est tout aussi soucieux de conquérir des marchés étrangers, attitude qu’il juge inhérente à sa qualité d’industriel.
Gallé s’ouvre au marché international. Ainsi, à l’occasion de l’Exposition internationale de 1871 (Londres), le succès des œuvres Gallé est au rendez-vous. Un flot de commande anglaise perturbe la création. En 1903, Gallé prit la décision d’ouvrir un dépôt à Londres, 13 South Molton Street.
Émile Gallé surmené
Sans même évoquer les affres de la création, la tâche que s’était imposée Gallé était fort lourde. La préparation de l’Exposition universelle de 1900, qui débute en 1897, apporte son inévitable surcroît de travail. À quelques semaines de l’inauguration, le ton devient tout à fait tragique :
« Je suis désespéré. Les tâches sont innombrables. La multiplicité des détails m’écrase, je sens le temps qui s’écoule comme si mon sang s’en allait » Émile Gallé
La fatigue qui l’envahit n’est déjà pas à cette date l’effet du seul surmenage mais, selon toute vraisemblance, une manifestation de cette « anémie pernicieuse progressive », c’est ainsi que l’on désigne à l’époque la leucémie, que diagnostiquent en juillet 1904 deux professeurs de Berne où le malade est allé consulter.
Le mal est inexorable et le maître y succombera le vendredi 23 septembre 1904 à 6 heures du matin.
Henriette Gallé avait reçu de son mari, par contrat passé devant notaire le 19 décembre 1903, tout pouvoir de gérer et administrer ses affaires en raison de ses absences répétées pour suivre les cures qui lui étaient prescrites à Plombières, Bussang, Luxembourg, Baden-Baden.
Soucieuse avant tout d’assurer le gagne-pain des employés, elle décide de ne pas fermer l’usine mais de poursuivre la production en conservant tout le personnel.
Les difficultés financières de l'entreprise Gallé
Émile Gallé, le magicien du verre, était soucieux du sort de ses collaborateurs.
Cette préoccupation se fit encore plus sensible dans les dernières années de sa vie, lorsque surgirent de réelles difficultés financières, en raison des dépenses considérables occasionnées par l’Exposition universelle de 1900 et que ne parvenaient pas à éponger des ventes plutôt décevantes.
Afin de réduire les frais de fonctionnement, il est envisagé de supprimer l’une des dix places de verrier, autrement dit une équipe entière, soit une économie mensuelle de 600 francs. Mais Gallé hésite, tout comme son père qui en 1870-1871 s’était refusé à congédier ses graveurs en dépit d’une absence totale de travail.
Gallé est très proche de ses salariés. Dans une lettre à un salarié, Émile Gallé écrivait « Je souhaite que vous soyez très heureux et épanouis dans mon entreprise ». Gallé n’a jamais pu se résoudre à licencier.
Une réalité financière que Gallé n’admet qu’en 1901. La crise est telle et sa santé si détériorée, qu’il songe à céder son affaire.
Son souhait serait de parvenir à un arrangement lui permettant de se consacrer uniquement à la création artistique.
Mais aucun des repreneurs qui s’étaient manifestés n’emportera sa confiance et ce fut seul, même s’il était remarquablement secondé par sa femme, qu’il poursuivit l’indispensable politique d’économies.
En 1903, la situation est alarmante. Les places de verrier de la halle ont en effet été ramenées de dix à trois alors que deux suffiraient pour assurer la production. Même durant cette période difficile, Gallé réussit à faire bénéficier son personnel de tout redressement du chiffre d’affaires, si passager et si fragile soit-il. On ne soulignera jamais assez la nature très généreuse de l’artiste.
Les liens de Gallé avec Paris
Les liens de Gallé avec Paris sont essentiels dans la carrière de l’artiste.
C’est Paris, alors capitale artistique incontestée de l’Europe, qui a fait Gallé. C’est de Paris, qui expose ses œuvres et où résident ses plus fervents admirateurs, que rayonne dans le monde entier le nom de Gallé.
Jusqu’au triomphe de l’Exposition universelle de 1889, les relations sont essentiellement d’ordre professionnel et se limitent aux milieux de l’industrie, du commerce, de l’horticulture et de la critique d’art.
À partir de 1889, Gallé est un artiste pleinement reconnu. Mais 1889 est également une année importante dans la mesure où c’est à cette époque que d’autres sphères de la société accueillent le « petit lorrain », grâce notamment à l’amitié que lui témoigne un nouvel admirateur, le comte Robert de Montesquiou-Fezensac. Celui-ci ouvre les portes dorées des hôtels aristocratiques les plus prisés et celles des loges des artistes les plus adulés.
Émile Gallé a risqué gros, notamment avec sa clientèle Nancéienne, en exposant un vase, les hommes noirs en faveur du capitaine Dreyfus, accusé à tord d’espionnage pour l’empire Allemand. Il en a été, tout comme Émile Zola, un farouche défenseur. Cette affaire a scindé la France en deux de 1894 à 1906, à une époque ou la moindre critique de l’armée était considéré comme une trahison.
La méfiance, pour ne pas dire l’hostilité nancéienne demeure en revanche telle qu’elle se manifesta jusque dans la publication des articles nécrologiques à sa mort en 1904.
Alors que les plus grands quotidiens nationaux clament leur admiration pour l’artiste, dont ils n’ont cessé de suivre avec le plus grand intérêt la production, et peut-être davantage encore.
LA FABRICATION DE L'ART GALLÉ
Le rôle prépondérant joué par Émile Gallé dans les arts décoratifs, dans cette renaissance, tant par l’exemple de ses œuvres personnelles que par l’éloquence de ses écrits et d’une propagande de tous les instants, en a fait un véritable artiste à part entière.
À toute religion il faut un apôtre : Gallé a la foi qui remue les montagnes. Pas plus qu’aucune autre province en France, la Lorraine n’était, préparée à devenir ce qu’elle est devenue depuis, au point de vue artistique.
C’est avec les outils de son temps mais aussi une solide connaissance du passé qu’Émile Gallé élabore son art, dans les trois domaines qu’il pratique : terre, verre, bois. Un art enraciné dans la tradition classique, mais qui, à force de recherches stimulées par une puissante imagination et un sens exceptionnel des matériaux, s’impose comme l’une des plus étonnantes manifestations du renouveau du décor intérieur au tournant du siècle.
LA FABRICATION DE L'ART GALLÉ
Le rôle prépondérant joué par Émile Gallé dans les arts décoratifs, dans cette renaissance, tant par l’exemple de ses œuvres personnelles que par l’éloquence de ses écrits et d’une propagande de tous les instants, en a fait un véritable artiste à part entière.
À toute religion il faut un apôtre : Gallé a la foi qui remue les montagnes. Pas plus qu’aucune autre province en France, la Lorraine n’était, préparée à devenir ce qu’elle est devenue depuis, au point de vue artistique.
C’est avec les outils de son temps mais aussi une solide connaissance du passé qu’Émile Gallé élabore son art, dans les trois domaines qu’il pratique : terre, verre, bois. Un art enraciné dans la tradition classique, mais qui, à force de recherches stimulées par une puissante imagination et un sens exceptionnel des matériaux, s’impose comme l’une des plus étonnantes manifestations du renouveau du décor intérieur au tournant du siècle.
Tradition et innovations
Dans le domaine de la verrerie, Gallé pratique le décor monochrome en grisaille à la manière des peintres sur verre allemands et bohémiens du XVIIIe siècle.
Ses premiers graveurs à la roue travaillent selon les techniques classiques héritées de la glyptique sur pierre dure.
L’usage que Gallé fera des outils du graveur sur verre est tout aussi marqué par sa volonté de décloisonner les deux domaines : la pointe, utilisée sur la terre molle ou la terre cuite pour dessiner le contour des compositions; l’acide fluorhydrique, pour patiner ou mater fonds et ornements; la meule ou la roue, pour entamer l’émail et faire apparaître motifs et figures.
En ce qui concerne la taille des surfaces du verre en facettes, Gallé en rejette l’aspect géométrique et mécanique au profit d’une irrégularité qui fait vibrer la matière.
Le caractère poli de la gravure est abandonné à partir de 1889 et les traces du passage de l’instrument dans la matière sont volontairement laissées visibles.
Lorsque deux ou trois couches de verre sont superposées, le matériau est travaillé selon les mêmes principes dans son épaisseur même. Les irrégularités ainsi obtenues sont sources d’animation optique.
Au terme de ces recherches et expériences, le verre perd en transparence au profit de la polychromie. Celle-ci triomphe avec l’apparition en 1898 de la marqueterie de verre qui permet à l’artiste de restituer comme il l’entend les visions colorées entrevues dans la nature et exaltées par son imagination.
Dans la production de d’Émile Gallé, maître verrier (Nancy – France), certains procédés techniques sont exploités surtout dans un souci d’économie. C’est le cas de la gravure à l’acide fluorhydrique, qui apparaît timidement en 1889 sur quelques pièces de qualité afin d’obtenir certains effets ponctuels, puis est largement développée à partir de 1894 pour la fabrication des pièces courantes.
L’usage de l’acide représente un gain de temps considérable, annule les risques de fêle inhérents à l’utilisation de la roue et permet d’obtenir des tons différents par de simples immersions successives dans différents bains.
Une œuvre protéiforme
Cet art nouveau qui, à son tour, modifiera la sensibilité contemporaine, n’a évidemment pas éclos du jour au lendemain.
Comme tout artiste décorateur, Gallé est en effet tributaire des goûts de son époque et ses créations, quelle que soit la force de sa personnalité, en reflètent les grands courants.
Mais Gallé refuse de se laisser enfermer dans un style, dans un genre. Soucieux d’élargir et de diversifier sa production, il exploite sa curiosité naturelle constamment en éveil, source d’une culture visuelle comparable au monde grouillant et éclaté d’un kaléidoscope personnel dont les fragments sont d’origine diverse.
Émile Gallé a tout loisir, à partir de 1867, de parcourir les pavillons et galeries des Expositions Universelles. Celles de 1867 et de 1878 sont décisives pour la formation de sa culture exotique.
La nature, source d'inspiration majeure de Gallé
Émile Gallé et ses collaborateurs se sont entourés de clichés photographiques de plantes qui sont maintenant conservés au musée de l’École de Nancy.
Ces photographies ont été prises dans le jardin personnel de l’artiste ou à l’usine d’art où des parterres de végétaux faisaient face aux ateliers.
À partir de ce vaste matériel, Gallé se livre à des jeux de transpositions qui abolissent temps et espace. Cela donne naissance à du jamais vu mais dont la manière est immédiatement reconnaissable.
C’est ainsi que des insectes exotiques forment le cadre précieux d’une scène de genre typiquement occidentale, qu’un paysage européen tout droit sorti des toiles de Claude Gellée, des peintres hollandais du XVIIe siècle ou d’Horace Vernet occupe des cartouches empruntés de l’art nippon.
Une approche nouvelle des modèles végétaux, approche facilitée par les diverses activités botaniques auxquelles se livre l’artiste. À cela s’ajoute une longue liste de communications et publications scientifiques menées dans le cadre de la Société nationale d’horticulture de Nancy où il fut secrétaire et de la Société nationale d’horticulture de France dont Gallé est élu membre en 1878.
En privilégiant de plus en plus une approche naturalisme de la nature, Gallé souhaite poursuivre plus avant la quête d’un art vivant. « Imaginer des thèmes propres à revêtir de lignes, de formes, de nuances, de pensées, les parements de nos demeures et les objets d’utilité ou de pur agrément ».
D’autres industriels vont ainsi profiter de ce génie créatif. De jeunes artistes et industriels s’engouffrèrent dans la voie ouverte par le maître verrier.
Émile Gallé ne va pas vraiment apprécier ces « copies », non pas par pur orgueil, mais simplement du fait du coût financier important que nécessite son équipe d’innovation des formes et décors. Ses concurrents n’ayant pas cette contrainte.
Antonin Daum, à son retour de Paris, dans les années 1890, a vu ce que faisait Gallé. C’est à ce moment que l’entreprise Daum décide de fabriquer de la verrerie artistique (découvrir l’histoire Daum).
La seconde génération est dans l’explosion industrielle.
Majorelle, Daum, vont se lancer dans la production de série, etc. Ce sont les industriels qui vont devenir les mécènes de cette aventure, de cette grande école de Nancy (1901), l’alliance provinciale des industries d’art.
On voit l’idée de mélanger l’industrie et la production artistique. On voit dans cette période, la naissance d’idées extrêmement modernes pour le marketing. L’art est nouveau et doit profiter à tous.
Dans un esprit Louis XV, Louis Majorelle associa souvent à son mobilier des éléments de bronze doré reprenant la forme de végétaux.
FONDATEUR ET PRÉSIDENT DE L'ÉCOLE DE NANCY
Le 13 février 1901 l’École de Nancy voit officiellement le jour. L’association École de Nancy porte également le nom d’Alliance provinciale des industries d’art, se définissant dans les statuts comme une sorte de syndicat des industries d’art et des artistes décorateurs.
Mouvement provincial qui entend œuvrer à la prospérité nationale, l’École de Nancy regroupe des industriels qui s’unissent pour protéger et accroître leur production en mutualisant certaines initiatives.
« Après l’Exposition de 1900, l’évidence apparaît du danger qu’il y aurait pour nos atelier lorrains à rester sans liens, en présence du relèvement universel des industries d’art dans le monde …» Émile Gallé
Il en résulte un groupe d’industriels pragmatiques, soucieux de la rentabilité de leur entreprise et du succès industriel de la France face à ses concurrents européens, germanique notamment.
Émile Gallé est convaincu que la défense des intérêts des industriels lorrains et le rayonnement de l’esthétique naturaliste qu’ils illustrent passent par un regroupement de leurs forces.
L’école de Nancy a décidé à partir de 1903 de faire une exposition à l’automne 1904. Malheureusement, elle a eu lieu à partir du mois d’octobre, un mois après la mort de Gallé.
Un grand portrait d’Émile Gallé par Prouvé a été établi lors de cette exposition, un moment fort.
Aujourd’hui, l’École de Nancy doit tout à Gallé, son énergie, sa persévérance, la fécondité de ses idées. En effet, les groupements artistiques qui se sont formés ailleurs n’ont donné aucun résultat vraiment digne d’intérêt. Un chef, un inspirateur, un « animateur », pour employer le mot d’Annunzio.
Pour en savoir plus, découvrez notre article sur l’Art Nouveau et l’École de Nancy.
LA SIGNATURE GALLÉ
Le nom Gallé identifie les créations d’un artiste et la production d’ateliers.
Il est donc à la fois signature et marque. L’une et l’autre peuvent être peintes, gravées, imprimées ou marquetées.
Par ailleurs, Gallé ne signait pas personnellement toutes les pièces, mais décidait des éléments (prénom, nom, Nancy, croix de Lorraine, faïencerie, cristallerie…) entrant dans la composition de la marque et imaginait le graphisme de sa signature pour les pièces échappant à la production courant.
Le prénom « Émile » ou l’initiale « E » n’apparaissent pas avant 1877, date à laquelle Gallé succède officiellement à son père.
Mais la signature n’en demeure pas moins, par la suite, à l’époque de la célébrité, souvent limitée encore au seul patronyme.
La mention « modèle » et/ou « décor déposé » apparaît en 1879.
La mention « Cristallerie d’Émile Gallé à Nancy » apparaît en 1894.
Après la mort de Gallé, l’usage est d’utiliser un « Gallé » stéréotypé, gravé à l’acide et précédé d’une étoile durant la direction de Mme Gallé (1904-1914).
Attention cependant aux nombreuses copies venant des pays de l’Est mais également des USA. Pour en savoir plus ? Découvrez comment reconnaître un vrai vase Gallé.
- Signature Gallé peinte, 1877-188
- Signature Gallé peinte, 1877-1888
- Signature Gallé imprimée, 1879-1888
- Signature Gallé en creux, 1889
- Signature Gallé en creux, 1889
- Signature Gallé peinte à l’encre, 1877-1879
- Signature Gallé peinte à l’encre, 1879-1884
- Signature Gallé gravée, 1889
- Signature Gallé peinte à l’encre, 1894-1904
- Signature Gallé gravée, 1894-1904
- Signature Gallé gravée, 1894-1904
- Signature Gallé gravée, 1894-1904
- Signature Gallé gravée, 1894-1904
- Signature Gallé gravée à l’acide, 1904-1906
- Marque gravée à l’acide, à partir de 1907
Sources : Émile Gallé, le magicien du verre (Philippe Thiébaut), leverreetlecristal.wordpress.com
L’école de Nancy, Art Nouveau et industrie d’art – Musée de l’école de Nancy – Somogy éditions d’art
La suite de l’aventure aux côtés des plus grands verriers Art nouveau, c’est par ici :
LAMPES TIP GALLÉ
De nos jours, les lampes Gallé et Daum Nancy se négocient à prix d’or.
En alternative, des créations en pâte de verre signées Tip Gallé reprennent les décors et procédés de fabrication, offrant un travail artisanal de haute qualité.
Ce sont bien entendu des copies. Le verre multicouche, travail à chaud, est une superposition par cueillage successif de couches de verre de couleurs différentes. Dans un premier temps, l’artiste fait le dessin du décor.
Ce dessin devient ensuite un motif décoratif qui est appliqué sur la pièce afin de reproduire l’ornementation. À l’aide d’un vernis, l’ouvrier recouvre les parties de la pièce à protéger de l’attaque de l’acide.
La pièce peut ensuite être travaillée de différentes façons, au pinceau ou plongée dans un bain.